Il y a des signes qui ne trompent pas. Lorsqu’à Wavre, on nous annonce que l’on pourra enfin, pour la première fois depuis 1982, apprendre à nos enfants à nager dans une piscine municipale, on sait que les élections approchent. Car, de période électorale en période électorale, la majorité en place promet, juste avant le vote, que promis, juré, si elle est réélue, il y aura une piscine à Wavre et puis, juste après le vote, que désolé, on s’est un peu trompés, ne tapez pas trop fort, mais on ne la fera pas.

Dans la presse, on appelle cela un « marronnier » , un sujet qui revient chaque année à la même époque comme les marrons. Il n’y a pas d’équivalent en politique au niveau du vocabulaire, mais il y a bien un équivalent au niveau des promesses pré-électorales : on vous promet quelque chose que vous attendez vraiment très, très fort, et puis, si vous y avez cru et que vous avez voté pour le parti qui a fait la promesse, on vous annonce que, finalement, on a bien réfléchi, que ce ne sera pas raisonnable, qu’on a un tantinet été trop optimistes,... bref que, non, on ne fera pas ce qu’on a promis. Le plus bel exemple de ce type de manipulation pré-électorale a eu comme effet le Brexit. Lorsque les électeurs britanniques se sont aperçus qu’ils avaient été manipulés, le mal était fait.

A Wavre, ce marronnier de la piscine est à la limite de la caricature. Les caisses de la ville ont été vidées par la dispendieuse Sucrerie qui ne rapporte rien aux Wavriens mais pompe chaque année plus d’1.600.000 € dans leurs impôts en subventions. Dans la ville qui veut se faire plus grosse que le bœuf, on a toujours, sous la majorité libérale, privilégié le paraître à l’être. Il est plus important d’avoir une salle de spectacle que le monde entier va nous envier, même s’il y en a déjà deux à proximité (Aula Magna, SPOT) qu’une piscine digne de ce nom pour apprendre aux enfants à nager.

Grâce à la magie d’internet, remontons le passé des promesses électorales non tenues par la majorité libérale.


En juillet 2012, soit trois mois avant les élections communales, par le plus grand des hasards, Charles Michel dans la lignée de sa promesse « Jamais avec la NVA » , annonçait au Soir que la piscine serait enfin possible :

Durant toute la législature, Charles Michel a remballé à chaque fois les suggestions de l’opposition de créer une piscine à Wavre. « Trop cher, pas rentable pour une seule commune », clamait le maïeur. Et que retrouve-t-on dans le programme de la Liste du Bourgmestre ? L’érection d’une piscine ! Deux sites sont envisagés : le roller skate et le centre sportif.

« La piscine du Blocry n’est plus suffisante pour le centre du Brabant wallon, analyse Charles Michel, qui, avec cette proposition, coupe l’herbe sous le pied de l’opposition. J’ai toujours été favorable à une piscine mais dans un cadre financier maîtrisé. Le hall culturel était l’objectif de cette législature. Nous l’avons bouclé. Nous pouvons maintenant nous atteler à un autre grand projet. »


En 2014, Françoise Pigeolet, bourgmestre faisant fonction lors d’une des non-présences du bourgmestre le plus absentéiste de la politique belge, confirmait que Wavre devait « faire rêver » et que : « tous les dossiers sont en route et qu’ils mettent, c’est vrai, des années à aboutir. Hall culturel, piscine ou encore schéma de développement commercial sont suivis pas à pas. »

En juin 2018, soit quatre mois avant les élections, par le plus grand des hasards, la majorité communale annonce pour 2022 « Plus qu’une piscine, un pôle nautique de détente » . La Région wallonne était d’accord d’apporter quatre millions d’euros si le projet se réalisait.

La piscine est inscrite dans l’ambitieux projet « Wavre 2030 » — qui, promis, juré, si je vends du vent, je me représente l’année prochaine —, va changer complètement la physionomie de Wavre.


En décembre 2021, la ville raye la piscine de son budget pour 2022. En cause, le prix de construction, à quoi s’ajoutent 500.000 euros de frais d’exploitation annuels, hors taxes. « Force est de constater que c’est encore bien au-delà de nos moyens actuels », précise la bourgmestre. Rappelons ce qui a déjà été mentionné plus haut : la ville subsidie la Sucrerie à hauteur de plus d’1.600.000 € chaque année pour une structure majoritairement louée à des « tourneurs » extérieurs et qui ne profite en aucun cas aux Wavriens.


En juillet 2022, la ville annonce qu’elle a finalement bien réfléchi et que, finalement, c’est cher et que finalement, ben, non, finalement, on s’interroge sur son opportunité, on ne va peut-être pas la construire, finalement, mais promis, juré, ce n’était pas une promesse en l’air avant les élections. Finalement.


Nous revoilà avant les élections de 2024 et, par le plus grand des hasards, la bourgmestre Anne Masson nous promet une nouvelle fois une piscine [1], aux ambitions revues à la baisse. Si Wavre 2030 continue à annoncer, comme on le voit plus haut sur la copie d’écran de Wavre 2030, « deux bassins (25m sur 15 et 16m sur 15) destinés à la natation et à l’apprentissage de celle-ci » qui, reliés, devaient former une piscine de 41 m sur 15, in fine, cette nouvelle page du bêtisier des promesses électorales du MR annonce l’équivalent d’une piscine de centre de fitness, soit 18 m sur 8,5m, en partenariat avec le privé. En comparaison, la future piscine de Louvain-La-Neuve fera 50 m sur 25 m.

Tous les Wavriens qui ont à subir les conséquences du « Partenariat avec le privé » pour le parking savent qu’ils faut traduire cet euphémisme par « Un maximum de revenus pour le privé, un minimum d’avantages pour le public ». Si cette piscine voit le jour après les élections, ce qui à ce jour est encore une douce promesse, les Wavriens seront donc une nouvelle fois appelés à maximiser les revenus des actionnaires d’une société privée en payant plus cher pour un service qu’ils ont contribué à financer.

Mais comme à Wavre les promesses électorales s’envolent à l’automne de chaque lendemain d’élections, les enfants Wavriens devront probablement encore longtemps continuer à apprendre à ne pas se noyer dans les piscines de Rixensart ou de Louvain-la-Neuve.


[1à la minute 34 du Conseil communal

Par Patrick Pinchart

Patrick Pinchart a travaillé toute sa vie dans la communication. Animateur à la RTBF, rédacteur en chef de Spirou à deux reprises, éditeur de bande dessinée, agent pour auteurs (BD, littérature...), correcteur, éditorialiste polémiste, il a de multiples autres collaborations : militant pour Amnesty International, Ecolo, Greenpeace, le WWF. Entre autres... Il s’exprime ici en son nom propre et en aucun cas au nom de ces différentes organisations. Il est également brasseur, fondateur de la brasserie HOPposition.