On croit rêver ! Alors que des millions de voix dans le monde s’élèvent pour exiger que l’on fasse tout pour diminuer les émissions de CO2 et pour sauver une nature qui est indispensable à notre survie, le Gouvernement wallon, poussé dans le dos par la Ville de Wavre, vient d’autoriser un projet de route qui va faire tout le contraire : encore plus de pollution par la voiture au prix de la destruction d’un patrimoine naturel inestimable.

Opinion.

Il faut être un climato-sceptique aveugle comme Trump ou sous la domination des lobbies industriels comme Bart de Wever ou Bolsonaro pour nier que l’état de la planète est en train de se dégrader à vive allure, occultant l’avenir des prochaines générations qui devront survivre dans un monde devenant de plus en plus incompatible avec la vie.

Depuis des mois, des centaines de milliers de jeunes, partout dans le monde (dont des dizaines de milliers dans les diverses villes de Wallonie, dont Wavre), se sont fait le relais des rapports scientifiques de plus en plus alarmants sur les dérèglements climatiques et leurs conséquences dramatiques déjà perceptibles. C’est leur avenir qui s’effondre visiblement devant nous.

Le message est clair : si nous voulons d’un monde viable, il nous faut :
1°) Changer nos modes de vie et, par exemple, privilégier les alternatives à l’utilisation de la voiture privée (en multipliant les transports en commun, en augmentant l’espace dédié aux vélo, etc.).
2°) Arrêter la destruction de la nature et lui redonner de l’espace, par exemple en plantant des arbres.

Un projet délétère

Le projet de destruction de la nature et son bétonnage/bitumage qu’est le "contournement Nord de Wavre" a tout faux sur ces deux points.

1°) Il va offrir encore plus d’espace à la voiture, déplacer les embouteillages et appeler à continuer à utiliser sa voiture encore et toujours plus. Gageons que, s’il allège provisoirement le problème de Wavre (ce qui n’est pas prouvé), nous nous retrouverons, dans un an ou deux, avec des bouchons comparables par l’appel d’air qu’il aura provoqué pour l’utilisation, encore et toujours, de la voiture.

2°) Il va détruire une zone naturelle qui a déjà particulièrement souffert avec le zoning Nord de Wavre où des centaines d’hectares de nature ont été bétonnés. Cette route va déséquilibrer totalement la nature de cette partie encore protégée de Wavre. Alors que la biodiversité n’a jamais été aussi vitale, que les insectes disparaissent et avec eux les oiseaux, que nous voyons s’éteindre sous nos yeux des espèces autrefois communes comme les hérissons, ces biotopes sont indispensables, aujourd’hui et pour l’avenir de nos enfants. C’est notre patrimoine naturel qu’on assassine et leur héritage que l’on détruit ainsi. Leur mobilisation est assez claire quant à leurs inquiétudes sur la gravité de la situation, corroborée par les scientifiques. C’est tout le contraire qu’il faudrait faire : planter des arbres, réinstaller des zones de fleurs sauvages, protéger la nature à tout prix car, sans elle, c’est notre propre existence qui est menacée.

La population de Wavre en est consciente et y est majoritairement opposée. Plus de 4000 personnes se sont manifestées par écrit pour s’y opposer. D’un autre côté, les personnes favorables à ce projet sont largement minoritaires : la pétition qu’elles ont tenté de faire signer n’a récolté que... 36 signatures. La majorité des habitants de Wavre sont contre. Ils tiennent à cette nature qu’on a trop dégradée ces trois dernières décennies. Le message des électeurs a été clair aussi sur l’importance qu’il faut désormais accorder à l’environnement.


Un peu d’histoire

Ce projet est une vieille antienne du MR, depuis quatre décennies. Il faut remonter à Charles Aubecq, le très dictatori... oups ! autoritaire bourgmestre, pour trouver son origine. On ne discutait pas les décisions d’Aubecq. Il avait une idée très précise de la Démocratie : "Je décide, tout le monde obéit". Charles Michel obéit donc, marionnette de Charles Aubecq avant de devenir celle de la NVA. Et, comme on est, vous le savez, à Wavre, "ville du Premier ministre", on ne peut lui faire affront et enterrer un projet qu’il soutient depuis le début, même contesté majoritairement par sa propre population : c’est probablement lui qui tire encore les ficelles aujourd’hui.
Il est intéressant de constater que la majorité actuelle continue toujours à obéir au diktat d’un bourgmestre pourtant disparu depuis belle lurette à propos d’un projet d’un autre âge qui ne correspond plus du tout à l’évolution de la Société.


Pensons autrement

Soyons sérieux. Le but annoncé est de "désengorger Wavre". L’argument est hypocrite, car il est évident que la circulation aux heures de pointe est due aux personnes qui entrent à Wavre pour y travailler ou pour déposer leurs enfants à l’école car ils n’ont pas accès à du ramassage scolaire ou à des transports en public dignes de ce nom. Quelqu’un qui doit aller travailler au zoning Nord depuis l’Est du Brabant wallon n’est pas assez stupide pour s’engouffrer dans le goulet d’une ville encombrée où il sera bloqué par des passages à niveau aux barrières fermées quasi en permanence. Non, il va profiter de la N25 et rejoindre l’E411.

La solution est ailleurs que dans la construction de cette route délétère : plutôt qu’utiliser les deniers publics pour toujours plus de routes, il faut repenser radicalement l’offre de transports en commun (qui ne cesse de diminuer depuis des décennies, les gens n’ont plus le choix, ils sont condamnés à la voiture) et favoriser les alternatives, par exemple en divisant les voies pour réserver un site propre et protégé aux cyclistes. Ce "tout pour la voiture" DOIT cesser car nous allons dans le mur. Il est aussi urgent de se pencher sur le problème des passages à niveau, qui sont la source majeure des embouteillages à Wavre.

Une plateforme regroupant une douzaine d’associations, entre autres de protection de la Nature, propose des alternatives moins coûteuses, plus rapides à mettre en œuvre et qui ne lèseront pas nos enfants d’un patrimoine inestimable.

A qui profitera le crime ?

On ne peut éviter la question. Pourquoi, depuis quatre décennies, certains s’acharnent-ils à vouloir construire une route dont tout démontre qu’elle est coûteuse, inutile et nuisible à la biodiversité ?

Imaginons-nous dans quelques années. Le béton et le bitume ont fait leur œuvre. Grâce à cette route, des promoteurs immobiliers ont pu obtenir des permis de construire pour développer de nouveaux bâtiments tout autour. Le zoning Nord est devenu le zoning Nord-Est. Il est immense.
Le moindre mètre carré de nature a disparu et est remplacé par une immense surface artificialisée sur laquelle on construit, construit, construit. Les promoteurs immobiliers et les entrepreneurs se frottent les mains. Ils sont en train de faire fortune.
Problème : cela a augmenté tellement le trafic que la circulation est pratiquement à l’arrêt aux heures de pointe. On parle de raser la forêt derrière pour construire une nouvelle route qui fluidifiera le trafic.

Question. Qui sont ceux qui en profiteront dans quelques années, qui ont aujourd’hui des amis bien placés en politique, et qui font donc tout ce qui est en leur pouvoir pour se préparer un fructifiant avenir ?
Réponse dans quelques années si ce projet aboutit.

Ce que nous ne souhaitons pas, vous l’avez peut-être deviné.

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Crédits photos : Plateforme Contournement Nord de Wavre

Par Patrick Pinchart

Patrick Pinchart a travaillé toute sa vie dans la communication. Animateur à la RTBF, rédacteur en chef de Spirou à deux reprises, éditeur de bande dessinée, agent pour auteurs (BD, littérature...), correcteur, éditorialiste polémiste, il a de multiples autres collaborations : militant pour Amnesty International, Ecolo, Greenpeace, le WWF. Entre autres... Il s’exprime ici en son nom propre et en aucun cas au nom de ces différentes organisations. Il est également brasseur, fondateur de la brasserie HOPposition.