La mise à sens unique de la rue du Pont du Christ à Wavre a permis d’y limiter le passage des voitures. Réintroduire le double sens signifierait le retour d’une pression de plus d’un million de passages de voitures chaque année (et les nuisances associées) sur cette voie. C’est pourtant ce qui risque de se produire car ce statut est remis en question.

Dans quelle ville souhaitons-nous vivre ? Une zone de transit traversée chaque jour par des milliers de véhicules ? Ou une cité conviviale, avec une pression des voitures réduite au strict nécessaire et donc plus de qualité de vie, plus de sécurité pour les piétons, les cyclistes, les enfants ?

La Ville de Wavre avait courageusement pris une décision vers le mieux-être des habitants : mettre en sens unique la rue du Pont du Christ, une des principales voies commerciales utilisée alors en voie de transit. Et cela avait marché : les analyses objectives du trafic montrent qu’il y a eu une réelle diminution de la pression des voitures, dans un centre plus apaisé pour les autres usagers. En deux ans, il y a eu une baisse de 2862 passages de voitures vers la place Bosch (grâce au sens unique, puisque la circulation a été réduite à... zéro), et de 373 passages de voitures depuis celle-ci.

Cela ne veut pas dire moins de personnes dans Wavre, cela veut dire moins de voitures qui traversent la ville. Transformée en voie de transit par les politiques délétères du "tout à la voiture" du passé, la rue du Pont du Christ est revenue à son identité de départ : une rue commerçante. Première étape, espérons-le, vers un centre plus orienté vers le vivre ensemble et offrant plus de place aux modes doux de déplacement.

Cette évolution positive pour la qualité de vie des Wavriens est remise en question. La mise à sens unique de la rue du Pont du Christ a été évaluée par diverses instances. Les avis sont logiquement et largement en faveur de son maintien : la police, le GRACQ (Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens, qui représente les cyclistes), la CCATM (Commission consultative communale d’aménagement du territoire et de mobilité) sont tous (TOUS !) favorables au sens unique, avec des arguments imparables. Certains ne sont pas d’accord : quelques commerçants dont seulement 5 de la voie concernée et, bien sûr, des automobilistes — ce qui était attendu car il y a toujours une résistance au changement. Pourtant, contre le bon sens quasi-général des instances consultées, la Ville songe à remettre cette voie à double sens.

Le double sens ? Un incompréhensible non-sens !

Calculons. Réinstaller la double circulation ramènera les 2862 voitures qui y circulaient précédemment dans le sens Hôtel de Ville -> Place Bosch, ce qui revient presque à doubler le nombre de voitures (car, en octobre 2022, il y avait 3182 passages dans le sens unique), le stress, les encombrements, la pollution, le bruit, les risques d’accidents, l’insécurité pour les piétons et les cyclistes. J’en passe. Un seul nombre devrait être suffisant pour empêcher cet incompréhensible non-sens : 2862 voitures en plus qui passent par jour, c’est une pression de plus d’un million de passages de voitures par année sur une seule voie !

Rappelons que la Ville de Wavre, signataire de la Convention des Maires s’est engagée, dans son Plan d’Actions en faveur de l’Energie durable et du Climat (PAEDC), à réduire les émissions de C02 de -40% d’ici 2030 sur le territoire communal. Un million d’émissions de gaz d’échappements en plus chaque année, est-ce vraiment une bonne manière d’atteindre ce but ?

Les comptages indiquent une très importante baisse de circulation rue de Nivelles et rue du chemin de fer. C’est une évolution positive vers ce qu’il faut désormais faire : diminuer la pression des voitures sur la ville.

Par contre, le comportement de certains automobilistes pour contourner le sens unique a généré un effet collatéral. En octobre 2022, 1077 ont ainsi emprunté la courte rue des Fontaines pour revenir sur la rue du pont du Christ avant le sens unique... car celui-ci est partiel. Faire disparaître cette anomalie et installer le sens unique dès le Pont du Christ permettra de supprimer ce comportement. Et l’on pourra faire des rues adjacentes, donc aussi la petite rue des Fontaines, des espaces sécurisés, piétonniers, où l’on pourra se promener, se rencontrer, profiter d’une terrasse.... Des lieux de convivialité, cela manque à Wavre et cela pourrait contribuer à lui redonner de la vie. Une bonne idée, non ?

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EDIT : Nous avons retrouvé (merci Internet) les arguments développés par M. Paul Brasseur, échevin en charge de la mobilité, pour justifier le sens unique lorsqu’il a été, à juste titre, installé. Tous ces arguments restent valables aujourd’hui. Que l’on nous explique pourquoi on envisage un retournement de situation complet par rapport à tant de bons sens (sans jeu de mots) :

"Il s’agit d’une mesure visant à apaiser le centre-ville, sans empêcher la circulation automobile. Aujourd’hui, le centre de Wavre est parcouru chaque jour en tous sens par des milliers de véhicules, ce qui crée une situation peu agréable pour les piétons qui a été mise en évidence par plusieurs études. Ici, il ne s’agit ni plus ni moins que :
1. Maintenir une situation existante depuis plus d’un an ;
2. Pérenniser une mesure préconisée par entre autres par le plan communal de mobilité, l’étude d’embellissement du centre-ville pour diminuer le trafic de transit ;
3. Laisser plus de place à l’Horeca avec possibilité de s’installer en voirie :
4. Permettre de végétaliser le centre-ville (ce qui permet aussi de lutter contre les îlots de chaleur en été) ;
5. Le flux de circulation le plus utilisé (avant le début de la période de mise en sens unique) est maintenu ;
6. Ce sens unique répond à la logique de la rocade (utiliser les axes structurants en priorité aux rues plus étroites et moins adaptées) ;
7. Maintien de possibilités diverses de revenir vers la place Bosch soit par les axes structurants (N4, chaussée de Louvain, bd de l’Europe via le rond-point ou pré des Querelles) ;
8. Assurer le confort et une meilleure sécurité des piétons au niveau du trottoir HdV ;
9 Eviter les livraisons sauvages parfois dans les deux sens de circulation (avec des autobus bloqués dans le passé et une circulation paralysée) ; "

Nous répétons la question : pourquoi envisage-t-on un retournement de situation complet par rapport à tant de bons sens ?

Par Patrick Pinchart

Patrick Pinchart a travaillé toute sa vie dans la communication. Animateur à la RTBF, rédacteur en chef de Spirou à deux reprises, éditeur de bande dessinée, agent pour auteurs (BD, littérature...), correcteur, éditorialiste polémiste, il a de multiples autres collaborations : militant pour Amnesty International, Ecolo, Greenpeace, le WWF. Entre autres... Il s’exprime ici en son nom propre et en aucun cas au nom de ces différentes organisations. Il est également brasseur, fondateur de la brasserie HOPposition.