Cette année 2019 est à marquer d’une pierre blanche pour la ville de Wavre : elle ne doit plus gérer les parkings. Ouf ! Un grand pas en avant vers plus de convivialité ? La possibilité pour quiconque de se promener dans Wavre sans devoir "payer pour s’arrêter", comme le disait Gaston Lagaffe dans les années 70 ? Euh... Pas vraiment.

On croit à une mauvaise blague ou à de l’ironie mal placée lorsqu’on voit l’affichette "Streeteo : vivez le parking autrement", qui a été apposée dans certains commerces de Wavre au démarrage de la gestion du parking par le prestataire privé. Slogan repris servilement par le site officiel de la commune qui, en toute humilité, en a fait "the place to park". Comme si on se rendait dans une ville uniquement pour le plaisir immense, irrationnel, orgasmique... de s’y parquer.

(Illustration : copie d’écran du site de la Ville de Wavre)

On est vraiment contents de l’apprendre : le fait de déposer sa voiture sur un espace de quelques mètres carré, c’est VIVRE ! Enfin !

Et grâce à Streeteo, en 2019, on peut désormais VIVRE autrement le parking !
Oui, vraiment vivre AUTREMENT : ce qui, en pratique, veut dire que le coût horaire de stationnement double (voire 150% plus cher si vous dépassez une heure), grâce à elle, du jour au lendemain. Ah ben oui, c’est vraiment autrement !

Même si une partie de l’argent est rétrocédée à la Ville, on double le coût du parking au profit, non pas de la communauté, mais des actionnaires d’une société privée, qui vont s’enrichir sur le dos des habitants et visiteurs de Wavre grâce à cette augmentation de tarif.

Non seulement, cette décision va obliger tous les habitants et visiteurs à payer plus pour se parquer (et parmi eux, on peut le supposer, pas mal de personnes ayant choisi d’y faire leurs courses et qui ne seront pas ravies de payer plus cher le droit de fréquenter les commerces locaux)... mais en plus, ils vont vivre sous le menace de la construction d’un monstrueux immeuble de parking sur le site des "Mésanges" qui nous est annoncé dans la suite des réjouissances de parking. Héritage de la mégalomanie de Charles Michel, qu’on espère quand même voir éradiquer par le bon sens de ses successeurs.

Streeteo à Paris : un parfum de scandale

(Illustration : copie d’écran du site "MinuteNews")

C’est qui, en fait Streeteo ? "OK Google" nous répond. Les résultats de recherches sont... euh, comment dire ?... dérangeants. En France, on y parle surtout de la plainte pour faux, usage de faux et escroquerie de la Mairie de Paris.

D’autres informations interpellent, comme celle-ci .

Nous sommes à Wavre, pas à Paris. Mais ce type d’information ne nous place pas, nous qui pourrions être obligés obligés à payer des "redevances" (sic) à cette société, en terrain de confiance.

Expérience en "real life"

Revenons à la situation pratique, après quelques semaines de parking "autrement’’.

(Illustration : copie d’écran du site de la Ville de Wavre)

Nous le prédisions en 2019. Si vous n’avez pas, alors que vous aviez l’intention de faire du shopping ou de rendre visite à quelqu’un à Wavre, été placé dans l’une des trois situations :

 mettre une pièce dans l’horodateur, faire vos courses et revenir avec la surprise d’une "invitation à payer" car elles avaient pris plus de temps que prévu (Indigo fait du zèle à ce niveau, car cela lui rapporte nettement plus que la redevance),...

 mettre une pièce dans l’horodateur et revenir dans le temps imparti, mais avec la même surprise d’une "invitation à payer" car un élément du numéro de la plaque n’était pas correct (les horodateurs tactiles ont été poussés aux limites de l’anti-ergonomie, ce qui facilite les erreurs au grand profit de Indigo, et sont carrément illisibles en cas de beau soleil, ce qui ne peut que provoquer encore plus d’erreurs, toujours au grand profit de Indigo),...

 mettre une pièce, faire la file pour votre shopping et interrompre celui-ci de peur d’avoir sur votre pare-brise la si sympathique "invitation à payer",...

...c’est que ne vous êtes pas parqué à Wavre, car cette épée de Damoclès pend au-dessus de la tête de tout automobiliste.

Vous avez l’option d’utiliser une application téléphonique qui vous facturera uniquement le temps de parking... mais en payant une redevance sur la redevance : 30 cents par opération. Il n’y a pas de petits profits...

Bref, on l’aura compris, cette décision de la ville n’est ni dans l’intérêt des habitants, ni dans l’intérêt des visiteurs, ni dans l’intérêt des clients des commerces et donc ni dans l’intérêt des commerçants.

La question à se poser est : "au profit de qui les gestionnaires actuels de la ville prennent-ils leurs décisions ?"

Et, malheureusement, on ne peut que conclure de ce qui précère qu’elles servent, non pas les habitants, non pas les visiteurs, non pas les clients des commerces, non pas les commerçants, mais les actionnaires d’une société privée.

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Mise à jour de juin 2021 :

Contactée à ce propos, Bernadette Pierre, la présidente de l’association des commerçants de Wavre, confirme (et trouve inadmissible) "que nos clients paient 30,00 € pour parfois à peine 2 ou 3 minutes de débordement de la durée de validité de leur ticket.".

Elle ajoute : "Je suis entièrement défavorable à la gestion du parking par une société privée, et ce pour diverses raisons :
 Cette société doit créer du chiffre d’affaires. Donc plus elle sanctionne, mieux c’est !
 Cela crée des abus : par exemple si vous oubliez d’encoder un chiffre de votre plaque, ( en général le 1 du début du N° d’immatriculation) ou si le terminal du paiement ne prend pas bien ce premier chiffre, d’office, même si tout le reste du N° de plaque est correct, vous héritez d’un « TICKET NON VALABLE » et d’une redevance de 30,00 €.
Les bornes de paiement sont assez difficiles à comprendre pour certaines personnes."

NDLR : On peut effectivement poser la question da la légalité d’une "redevance" punitive si la personne a déposé un ticket derrière son pare-brise mais qu’elle a commis une erreur typographique. Elle a payé, point ! Il n’y a pas de raison qu’elle doive payer un supplément tant qu’elle reste dans le délai prévu par la somme versée.

Et elle nous livre des chiffres sans appel sur l’effet délétère pour le commerce de la privatisation du parking : "En novembre 2019, l’association des Commerçants a mené une enquête auprès de ses commerçants. Sachant que ce système de parking a été mis en place en juin 2019, nous avons demandé aux commerçants qui pouvaient nous le donner, de comparer le nombre de clients mensuels en juillet, aout, septembre et octobre 2018/2019. Les résultats sont clairs : - 6% de fréquentation en juillet, - 17% en aout, -16% en septembre et -12% en octobre."

Tout concorde : en privatisant les parkings, la Ville de Wavre a œuvré au bénéfice d’une société privée et au détriment du commerce, qu’elle contribue à enfoncer encore plus, ainsi que des Wavriens qui n’ont d’autre choix que d’utiliser leur voiture vu la déliquescence des transport en commun.

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Dossier "Parking des Mésanges" à Wavre : les différents articles.

 Parking à Wavre : de mauvais choix en choix du pire
 Il faut verdir le parking des Mésanges
 Parking des Mésanges : un crime contre l’Environnement
 Parking des Mésanges : l’impossible mobilité
 Parking des Mésanges : un labyrinthe infernal pour les riverains
 Parking des Mésanges : un coût social inacceptable
 Parking des Mésanges : économiquement absurde !

Illustration principale : ce dessin avait été réalisé par Franquin pour un autocollant de protestation contre l’apparition des premiers parcmètres à Bruxelles. Ce qui allait provoquer, dans les gags de Gaston Lagaffe, une "guerre des parcmètres" contre l’agent Longtarin. © Dupuis.

Par Patrick Pinchart

Patrick Pinchart a travaillé toute sa vie dans la communication. Animateur à la RTBF, rédacteur en chef de Spirou à deux reprises, éditeur de bande dessinée, agent pour auteurs (BD, littérature...), correcteur, éditorialiste polémiste, il a de multiples autres collaborations : militant pour Amnesty International, Ecolo, Greenpeace, le WWF. Entre autres... Il s’exprime ici en son nom propre et en aucun cas au nom de ces différentes organisations. Il est également brasseur, fondateur de la brasserie HOPposition.