De nouvelles caméras de surveillance vont être installées à un carrefour et dans divers lieux du centre-ville, dans le but d’augmenter la sécurité. Mais le choix de cet outil de flicage n’est pas anodin et n’est pas forcément le meilleur moyen d’atteindre ces buts.

Ce choix n’est pas anodin car il touche à la vie privée des citoyens, déjà pistés de toutes parts par le simple usage d’un smartphone, ou par des caméras privées de magasins et centres commerciaux. Si l’on peut comprendre que des commerces victimes de vols réguliers se protègent par ce biais, les clients qui ne souhaitent pas être filmés ont toujours le choix de ne pas entrer dans un magasin où cela est annoncé.
Doit-on imposer ce choix à tous les citoyens de Wavre ? Wavre est-elle une ville où la criminalité est telle qu’il faille soumettre l’ensemble de la population à une surveillance continue à la "Big Brother" ?

Ce n’est pas non plus le meilleur moyen d’atteindre les buts ciblés.
Le site Besafe.be insiste [1]
 (1) sur le fait que des caméras de surveillance ne doivent être installées que lorsque cela est vraiment justifié et que d’autres moyens moins intrusifs de la vie privée ne permettraient pas d’atteindre les mêmes résultats ;
 (2) à ce que l’utilisation des caméras soit proportionnée à l’objectif.
L’installation de ces caméras ne respecte aucun de ces critères.

Le choix du répressif, pas du préventif

En ce qui concerne un carrefour, l’enregistrement des déplacements des automobilistes ne va pas prévenir les comportements dangereux car ils seront constatés a posteriori. C’est donc faire le choix du répressif, pas du préventif. Pour les franchissements des feux rouges ou excès de vitesse, il existe un type de radar spécifiquement dédié à cet effet, qui n’enregistre que les infractions. Visiblement annoncé en amont de chaque voirie, il aura un effet dissuasif sur les conducteurs. Cette solution répond au but recherché et espionner l’ensemble des usagers de ce carrefour pour quelques conducteurs imprudents est disproportionné.

En ce qui concerne à présent l’ajout de caméras dans le centre-ville, il semble que Wavre soit confondu avec Chicago ou Medellin. Elles sont annoncées comme une solution contre des des bagarres, des trafics, des dépôts clandestins, des comportement "répressibles" [2]
 Un trafiquant va-t-il se livrer à un trafic face caméra avec un sourire "cheese" ? Non, il poursuivra son trafic ailleurs, loin des caméras.
 Des caméras n’empêcheront pas des bagarres ni la petite délinquance. La présence apaisante d’agents de quartier, elle, oui.
 Quant aux dépôts clandestins, peut-être cela en découragera-t-il certains qui iront déposer leurs nuisances ailleurs. Mais au prix disproportionné d’une mise en surveillance de tous les citoyens paisibles qui circulent dans ces lieux.

Installer des caméras dans certains lieux ne règle pas les problèmes, il les déplace géographiquement. Lorsqu’on entame une telle démarche, on doit donc la poursuivre et en placer d’autres. In fine, il sera obligatoire de couvrir l’ensemble de la commune. Pour tenter de réduire les actes d’une infime minorité de la population.

Wavre n’est pas Chicago et ne le deviendra pas, même sans caméras.
Wavre n’est pas Medellin et ne le deviendra pas, même sans caméras.
Veut-on que Wavre ressemble un jour à une parcelle d’Eurasia, le monde hypersurveillé décrit par George Orwell dans "1984" ?
Veut-on qu’un jour, quelqu’un écrive sur la façade de l’Hôtel de Ville "Big Maca is Watching you" [3] ?

Ces caméras violeront inutilement la vie privée des Wavriens et ne respecteront ni le principe de proportionnalité pour atteindre les finalités désirées, ni la recherche de solutions alternatives, qui existent pourtant.


[2Le terme "répressibles" utilisé, dans l’argumentation, en lieu et place de "répréhensibles", est vraiment significatif : ces caméras viseront bien à réprimer, non à prévenir.

Par Patrick Pinchart

Patrick Pinchart a travaillé toute sa vie dans la communication. Animateur à la RTBF, rédacteur en chef de Spirou à deux reprises, éditeur de bande dessinée, agent pour auteurs (BD, littérature...), correcteur, éditorialiste polémiste, il a de multiples autres collaborations : militant pour Amnesty International, Ecolo, Greenpeace, le WWF. Entre autres... Il s’exprime ici en son nom propre et en aucun cas au nom de ces différentes organisations. Il est également brasseur, fondateur de la brasserie HOPposition.