A Wavre, il y a un magicien digne d’Harry Potter. Il a une formule magique qui transforme toutes les nuits l’argent public en lumière pour éclairer... rien. La moindre des choses serait pourtant d’utiliser nos impôts à des fins utiles. Surtout que, de partout, les messages alarmants nous alertent sur l’importance d’économiser l’énergie, à la fois pour la santé de la planète, pour les générations futures et... pour notre portefeuille. À Wavre, on éclaire le vide toutes les nuits. Et si on faisait autrement ? Par exemple en n’utilisant la lumière, la nuit, qu’aux endroits où elle sert à quelque chose ?

En passant devant la Sucrerie le soir, on ne peut qu’être frappé par la débauche de lumière sur l’ensemble du site. Sommes-nous dans "Rencontres du troisième type" ? Attendons-nous un contact avec des extraterrestres pour leur montrer le MACA ? Ou autre chose de plus sérieux ? Les photos qui figurent ici ont été prises après 23h, en mai. Il n’y a personne. Il n’y a pas eu de spectacle auparavant. Et pourtant, il y a tellement de lumière qu’avec une très bonne vue, on pourrait voir des fourmis en train de se bronzer à la lumière des LEDs...

Est-il vraiment nécessaire de le rappeler ? Éclairer le vide, cela ne sert à rien. C’est de la pollution lumineuse. C’est nuisible à la biodiversité car cela perturbe complètement la vie de la faune nocturne. Et cela coûte cher. D’autant plus cher qu’une guerre pas loin de chez nous a fait récemment exploser les prix de l’énergie. Et que chacun en paie le prix fort au quotidien. Voire, pour certains, sont dans l’incapacité de la payer.

Répétons une fois de plus pour qu’on comprenne bien : éclairer le vide, cela ne sert à rien et cela coûte cher. On ne cesse de nous seriner que les finances de Wavre ne sont pas au beau fixe (particulièrement lorsqu’il s’agit de refuser des choses vraiment utiles à la population, comme une piscine). Et se trouve peut-être ici une explication partielle de ce gouffre financier. On gaspille inutilement tout au long de l’année, chaque nuit, chaque heure de la nuit une partie des réserves financières de la ville.

Notre argent, celui de nos impôts, disparaît sous le forme de photons. De petites particules lumineuses chères à produire et qui, ici, ne servent à rien. Sinon peut-être, à permettre à des extraterrestres de repérer Wavre sur le continent européen. Ce n’est certainement pas le but... Mais, à propos, quel est le but ? Quelqu’un s’est-il posé la question "faut-il vraiment éclairer la totalité des espaces publics de Wavre ?" En attendant qu’on trouve une réponse, notre argent continue à disparaître chaque nuit, chaque heure de la nuit. Et cet argent transformé en photons inutilement lâchés dans la nuit, nous ne pouvons plus rien en faire. Alors qu’il y a tellement de besoins !

On sait que notre mode de vie, notre gaspillage d’une énergie limitée sont responsables du réchauffement climatique et des catastrophes qu’il génère. On sait que produire de l’électricité est un processus polluant et coûteux. Alors, autant que ce coût soit utile à la communauté. Pas à des fourmis insomniaques. On sait que des personnes, près de chez nous, sont obligées de faire appel aux services sociaux car elles n’ont pas les moyens de payer leur facture d’énergie. N’y a-t-il pas là quelque chose à faire ? Cesser de gaspiller d’un côté pour aider de l’autre ?

L’énergie nous coûte cher, c’est une réalité de plus en plus douloureuse et de plus en plus présente dans notre quotidien. Elle nous coûtera de plus en plus cher à cause du risque réel de pénurie du partiellement à la guerre insensée de Poutine contre l’Ukraine, mais aussi de l’épuisement progressif des ressources, qui est inéluctable. Au point que les grands patrons des trois principaux fournisseurs français d’énergie ont tiré la sonnette d’alarme en suppliant qu’on l’économise dès maintenant. Immédiatement. En Suisse, certains experts annoncent que les prix pourraient être multipliés par six.

Outre la Sucrerie, il existe d’autres zones de Wavre éclairées inutilement. Il est temps de réfléchir à des solutions alternatives. Même si les LEDs ont permis une modulation de la consommation d’énergie, ils ne sont pas suffisants. Des éclairages intelligents, dans certaines rues, s’allument lorsque l’on s’en approche. Certaines communes ont carrément fait le choix de l’extinction totale dans les parties excentrées où personne ne circule. Je vis dans une rue de ce type où, la nuit, quelle que soit l’heure où je promène ma petite chienne, je ne croise personne. Messieurs les électriciens, vous pouvez abaisser l’interrupteur. J’ai une bonne lampe de poche. Cela fera du bien à la faune nocturne. Et à l’argent récolté par nos impôts.

Le renouvellement du parc des lampadaires va permettre d’adapter l’éclairage ou le non-éclairage en fonction des lieux. Il faudra bien évidemment étudier la situation cas par cas et décider avec l’accord des riverains. A ce titre, un exemple est donné par la commune de Walhain qui, consciente du coût exorbitant pour les finances publiques et de l’impact sur la faune nocturne, avait lancé un sondage auprès de la population en rappelant que : "éclairage public ne rime pas forcément avec sécurité, peut-être avec sentiment de sécurité. La cause principale de cambriolage est l’absence des habitations. La Police fédérale, dans ces recommandations préventives contre le vol, ne cite pas l’éclairage public ou privé. (...) En matière de sécurité routière, l’éclairage public confère un sentiment de sécurité et de maîtrise à l’automobiliste qui accroît sa vitesse, ce qui représente un risque accru d’accident." Le sondage a été concluant : la commune va éteindre ses luminaires durant la nuit, avec l’accord de sa population. Comme l’a déjà fait Rebecq. À Chaumont-Gistoux, on a carrément supprimé des luminaires, la solution la plus performante au niveau économique et environnemental.

Un niveau minimal de sécurité doit bien sûr être maintenu pour des personnes faibles, mais éclairer le moindre mètre carré de la ville durant toute la nuit n’est pas la solution. Un plan lumière doit être élaboré, qui pourra jouer sur la couleur de l’éclairage, son intensité, son confort, sa température, décider où l’éteindre quand il n’est pas nécessaire, et où suréclairer lorsqu’il s’agit de zones à risque.

La question n’est donc pas "black out général ou pas black out ? " Bien sûr que non ! Wavre ne doit pas devenir un trou noir. Il faut élaborer un cadastre des zones qui DOIVENT être éclairées pour des raisons de sécurité (par exemple, les passages pour piétons), de celles qui PEUVENT être éclairées car elles sont fréquentées (par exemple, les carrefours) et de celles qui DOIVENT être mises au repos lumineux parce que personne n’y passe une fois la nuit tombée. Une première chose toute simple à faire, en tout cas, est de mettre fin à ce gaspillage absurde de tout l’espace de la Sucrerie. Il est indécent.


Texte basé sur l’intervention de Patrick Pinchart, conseiller ECOLO, au Conseil communal de Wavre du 28 juin 2022.

Par Patrick Pinchart

Patrick Pinchart a travaillé toute sa vie dans la communication. Animateur à la RTBF, rédacteur en chef de Spirou à deux reprises, éditeur de bande dessinée, agent pour auteurs (BD, littérature...), correcteur, éditorialiste polémiste, il a de multiples autres collaborations : militant pour Amnesty International, Ecolo, Greenpeace, le WWF. Entre autres... Il s’exprime ici en son nom propre et en aucun cas au nom de ces différentes organisations. Il est également brasseur, fondateur de la brasserie HOPposition.